La société et nous
Mes frères,
Dans sa lettre à tous les frères, véritable plaidoyer pro-domo, le Grand Maître nous invite à être « des maçons dans la Cité avec la même éthique que dans nos loges ».
Cette invitation m’étonne. N’est-ce pas ce que nous faisons déjà lorsque nous nous souvenons que nous achevons au dehors l’œuvre commencée dans le Temple ? N’est-ce pas ce que nous essayons de vivre au quotidien pour que rentrés dans le monde on reconnaisse toujours à leur sagesse les vrais enfants de la Lumière ? Comme maçon et comme citoyen, chaque frère contribue au progrès et au bien-être de la famille humaine en général et de chaque homme individuellement. Mais le travail sociétal de la franc-maçonnerie de tradition s’arrête là, à la responsabilité individuelle de chaque frère, homme libre et de bonnes mœurs.
Nous devons être de et dans notre siècle nous propose le Grand Maître, contribuer aux idées et aux solutions nous dit-il. Ce serait même à cela, à en croire le titre de l’article, que serviraient les francs maçons. Et bien, je soulève ici deux objections, l’une mineure, l’autre majeure.
La mineure d’abord. Pourquoi faudrait-il céder aux sirènes du débat d’idées profane ? Pourquoi faudrait-il être, sur ce point, de son temps alors que l’Ordre et la Tradition nous enseigne à nous élever vers ce qui demeure ? Pourquoi faudrait-il s’inscrire dans la société du spectacle ?
La majeure ensuite. Si la GLNF se met à s’exprimer sur les « grands problèmes de société », si elle se pique de conseiller les puissants, qui va parler pour nous tous ? Notre Grand Maître ? Il s’est autorisé à le faire. Nous a-t-il demandé notre avis ? Sur quel corpus maçonnique s’est-il appuyé ? A t-il mis au programme de travail des loges telle ou telle question profane, pardon sociale ? Non, mes frères, il ne le peut pas sans changer profondément le visage de notre obédience. Alors il s’est arrogé le droit de s’exprimer seul, aidé d’un cabinet de hauts fonctionnaires (!), « pour faire émerger nos valeurs dans le monde profane » nous dit-il. Je serais curieux de l’entendre s’exprimer par le menu sur la traduction de ces valeurs dans le débat actuel sur l’identité !
Je recommande à notre Grand Maître de lire Parménide. Il y apprendrait à distinguer l’Alethéia, des opinions humaines qui sont en dehors de la vraie certitude…
Silence Dogood